• J'annonçais au début du mois qu'Une histoire encore plus sombre sans lapins était en pause. Ce qui est toujours le cas, côté écriture. Mais puisque j'ai déjà plusieurs chapitres de prêts et que, si je ne me remotive pas d'ici quelques temps, je supprimerais tout simplement cette histoire, autant mettre la suite ici.

     

    The killers "A white demon love song"

     

     

     

    Le voyage dans l’avion s’était fait dans le silence. Mais le genre de silence bien pesant que personne n’aimait. Je me trimbalais des valises sous les yeux et un mal de crâne pas possible que j’avais tant bien que mal calmé avec des cachets. Bref, pas moyen d’avoir une conversation avec qui que ce soit.

    J’avais essayé de dormir pendant le trajet, mais la vérité c’était que j’étais trop effrayée par la perspective d’avoir encore un psychopathe aux fesses. J’avais passé la nuit à serrer le flingue que Daniel m’avait donné, à l’affut du moindre bruit, et j’ai faillis ne pas le lui rendre quand il me l’a réclamé, histoire qu’on passe la douane sans histoires.

     

    Mais je devais pas céder à la panique. Déjà, pour éviter d’entendre Lucy chanter en boucle dans ma tête, ensuite, parce que je savais parfaitement qu’on faisait plus de conneries quand on paniquait.

     

    Daniel n’avait pas arrêté de me jeter des coups d’œil dans l’avion. Si bien que j’avais fini par râler en lui faisant remarquer. Il n’avait pas réagi et j’avais surtout attiré toute l’attention des autres passagers sur moi. La honte.

     

    J’avais plus osé bouger de tout le voyage.

     

    Une fois arrivés, la mante religieuse fan de Sherlock nous avait proposé de se réunir dans son cabinet.

    Je savais même pas qu’il avait un cabinet, mais, en y réfléchissant bien, il fallait bien qu’il reçoive ses clients quelque part !

     

    En fait, c’était un très vieil appartement sur deux étages. En bas, il avait installé son bureau. Un truc très sobre, tout dans l’ambiance vieux et poussiéreux, avec plein d’objets qui font intelligent (crâne, microscope, livres en cuir, etc…) un peu partout. Ça faisait un peu comme dans les vieux films policiers que je regardais avec Etan, avant qu’Eden nous trouve. J’aimais bien ce genre de décor. C’était classe.

     

    A l’étage, c’était aussi vieux, mais c’était dans un tout autre type.

    Ça ressemblait presque à un musée, ou à un temple dédié à Sherlock Holmes. Les étagères étaient remplies de bouquins de Conan Doyle, souvent les mêmes, mais avec des couvertures différentes, des DVDs aussi.  Je pensais pas qu’il y avait autant de films et de séries sur Sherlock.

    Les étagères étaient remplies de chapeaux de détective, de pipes, de loupes, de bocaux bizarres, d’accessoires de déguisements, de portraits de vieilles personnes (what the fuck ?!), d’outils de chirurgien, de lamelles de microscopes, de vieux revolvers et j’en passe.

    Les murs aussi, étaient carrément surchargés. Je ne vais pas parler de la tapisserie moche, mais plutôt des posters, des photos agrafées, des plans de je-sais-pas-quelle-ville et, le plus bizarre, c’était ce « VR », écrit grâce à des impacts de balles.

    La grosse mante religieuse était tarée.

    - Tu fais quand même pas monter tes clients ici, j’espère ? Commentai-je.

     

    L’autre haussa les épaules en se dirigeant vers la cuisine.

    - Je ne vois point ce qu’un client ferait en ce lieu.

     

    Ce qu’il ferait ? Il aurait peur, tout simplement.

     

    Je cherchai un endroit où m’asseoir et hésitai entre un fauteuil tout décrépi et troué qui semblait avoir une bonne centaine d’année, ou déplacer une montagne de linge et de livres sur la chaise d’à côté. Je fis un pas en direction du fauteuil et mon pied buta dans une tasse par terre qui se renversa.

    Bon, maintenant le tapis avait une tâche. Enfin. Une AUTRE tâche.

     

    Moi qui me croyais bordélique de haut niveau, j’avais trouvé mon maître chez Sherlinsecte. Le pire, c’était l’odeur.

     

    On pourrait facilement s’imaginer qu’un appartement comme ça devait puer l’animal mort, mais là, non. On pouvait même dire que ça sentait bon la cannelle et la menthe. Je savais pas ce qu’il utilisait pour ça, mais il pourrait facilement devenir riche s’il commercialisait son secret !

     

    Elie avait déniché on ne sait où un petit fauteuil en osier et s’y était installée, quant à Daniel, je crois qu’il était aussi déconcerté que moi, mais ne laissait rien paraitre. Je l’avais donc déduit du fait qu’il était resté, lui aussi, debout, planté au milieu du salon. Digne.

    Le voir comme ça, dans ce décor chaotique donnait l’impression de voir la femme du président pataugeant dans une benne à ordures avec son tailleur de grand couturier et ses talons qui coûtent un bras. C’était comique.

     

    Finalement, la mante religieuse revint avec quatre tasses et une théière sur un plateau Sherlock Holmes. Il le posa en équilibre sur deux piles de bouquins et poussa quelques affaires qui cachaient… Oh miracle ! Un canapé !

    La place libérée étant néanmoins étroite, je me serrai à contrecœur contre Daniel pour éviter de toucher les objets d’à côté.

     

    Personne ne parlait. Elie semblait toujours abattue. J’osais pas croiser son regard. Trop peur qu’elle y découvre un truc qui n’allait pas lui plaire.

    C’était le moment de vérité.

     

    Un rapide coup d’œil vers la fenêtre me fit comprendre que je n’avais plus aucune échappatoire. C’était bien trop haut pour que j’essaye de m’enfuir en sautant de là et la porte était fermée à clef pour qu’on ne nous dérange pas.

     

    J’observai l’insecte géant verser du thé dans chacune des tasses, me demandai vaguement comment on pouvait manipuler des objets avec de si longs doigts et faillis refuser celle qu’il me tendit.

    Lorsqu’il eut terminé, il s’assit dans le fauteuil centenaire et bu une gorgée.

    - Je propose de mettre à plat le résultat de notre filature avant de passer aux évènements de cette nuit. Commença Daniel. Ce sera moins long à expliquer.

     

    Je me crispai quand personne ne répondit, mais la mante religieuse prit la parole finalement :

    - Nous avons pu établir un lien entre Kyle Wolffe, actuellement décédé, et Ludwigh Ramsus, PDG de l’entreprise pharmaceutique Rainette. Il est fort probable qu’Emily ait été en contact avec Wolffe dans le cadre de la plainte qu’elle voulait déposer contre Rainette.

    - Mais… Tentais-je d’une petite voix.

     

    J’osais pas continuer. J’avais l’air tellement con, et j’étais surtout tellement au courant du sort qu’avait dû subir la copine d’Elie !

     

    Mais finalement, sous le regard interrogateur des autres, je terminai ma phrase.

    - Mais si vous saviez qu’elle voulait porter plainte, pourquoi vous avez pas commencé par enquêter sur Rainette ?

    - Elle avait commencé à parler de porter plainte la veille de sa disparition seulement. Répondit Elie.

    - Elle n’avait en aucun cas pu en parler à qui que ce soit d’autre.

    - Ben visiblement si.

     

    Regard assassin de Daniel. J’avalai une gorgée de thé et la recrachai le plus discrètement possible dans la tasse. C’était. Immonde.

    - Comment en êtes-vous venus à enquêter sur l’explosion de l’usine de Wolffe ?

    - Ses vêtements.

     

    Quoi ? Ils s’étaient basés sur la marque de ses fringues ?!

     

    - Ses affaires avaient disparu, mais il restait encore ses vêtements de la veille, entreposés dans le bac à linge sale d’Elie. Je les ai analysés et j’y ai trouvé du carbone, de la poussière de béton, de la terre très riche en minéraux et de l’alcool. Ces éléments sont tous présents en un seul endroit : l’ancienne usine de Wolffe Industrie. A partir de là, J’ai analysé toutes les pistes possibles et je vous ai rencontrés.

     

    Je baissai la tête.

    Il avait été à deux doigts de trouver le trafic de Wolffe. La merde !

     

    - Emily aurait pu attirer l’attention sur elle en fouillant du côté de Rainette. Ramsus aurait pu alors demander à Wolffe de la réduire au silence avant qu’elle n’ébruite trop l’affaire. Conclut Elie.

     

    Sa voix s’était cassée sur la fin et la mante religieuse tenta de la rassurer. A sa manière.

    - Emily est sûrement morte à l’heure qu’il est, mais je te donne ma parole que nous saurons exactement ce qu’il lui est arrivé.

     

    Elle blêmit et s’empressa de cacher son air horrifié en avalant d’une traite sa tasse de thé.

     

    La mante se tourna vers Daniel et moi. C’était à notre tour de nous expliquer.

    - Qui êtes-vous exactement ? Demanda-t-il.

     

    Je jetai un regard désespéré au blond qui secoua très légèrement la tête. C’était moi qui nous avais foutus là-dedans, je devais assumer maintenant.

     

    C’était culoté de sa part quand on savait ce qu’il avait fait plusieurs mois auparavant !

     

    J’inspirai un grand coup, ouvris la bouche, inspirai de nouveau, et commençai.

    - Je m’appelle Kaelle Nightkey, je… J’étais mercenaire jusqu’à il y a six mois. Maintenant je suis au chômage et j’enquête sur mon ancienne patronne. Enfin. Sur son employeur.

     

    Grand silence. Visiblement, ils attendaient la suite.

     

    Sauf que je ne voyais pas quoi dire de plus ! Ils voulaient quoi ? Que je leur raconte comment j’avais flingué Eden parce qu’un gros malade avait réussi à monter tout le monde contre elle ? Que j’étais traumatisée des lapins depuis qu’une psychopathe obsédée par ces bestioles avait essayé de me bouffer ? Que j’avais un putain de casier qu’Eden avait effacé presque d’un claquement de doigts ?

    Je jugeais en avoir déjà assez dit comme ça !

     

    Finalement, Daniel vint à mon secours.

    - Eden, notre ancien employeur, travaillait pour quelqu’un de très puissant. D’assez puissant pour effacer n’importe quel casier judiciaire et annuler toutes les enquêtes au sujet de ses protégés.

    - Dans quel but recherchez-vous cet individu ? Demanda la mante religieuse.

     

    C’était une bonne question. Moi-même je savais pas trop pourquoi.

     

    Mais là encore, c’était à moi de répondre.

    - Par curiosité… Lâchais-je. On a été embarqués dans un truc de malade à cause de ça. Je veux juste savoir le fin mot de cette histoire.

    - Daniel, c’est ton vrai nom ? Demanda timidement Elie en fixant mon ex-collègue.

     

    Celui-ci hocha la tête.

    - Je m’appelle réellement Daniel Land.

    - Et donc, toi aussi tu étais…

     

    Elle semblait ne pas y croire. Attendait presque qu’on lui hurle « c’était une blaaague !! »

     

    Mais Daniel confirma aussi.

    - Oui. J’étais aussi mercenaire. Et avant que vous ne demandiez : nous ne savons absolument rien sur la mort de Kyle Wolffe.

     

     

    Sherlinsecte posa sa tasse sur le plateau et s’adressa aussi à Daniel.

    - Et pourquoi vous enquêtiez sur cette usine ?

    - Nous suivions un vieux contrat de notre employeur. Nous espérions trouver une piste.

     

    L’autre réfléchit quelques instants et, lorsqu’il leva les yeux, son regard me transperça.

    Oulà… Ça sentait pas bon ça !

    - Et quel est le rapport avec ce dossier sur la disparition d’Eva Garner ?

     

    Putain comment il savait ça ?

     

    J’écarquillai les yeux, manquai de lâcher ma tasse et sentis Daniel se tourner vers moi.

    - Quel dossier ? Demanda-t-il.

     

    Oui, quel dossier ? Avais-je envie de répondre en prenant l’air le plus innocent au monde. Et comment est-ce qu’il savait ?

     

    Ah… Hier soir…. Quand il a récupéré mes affaires…

     

    J’avalai une gorgée de thé pour me donner le temps de réfléchir un peu. Il était encore plus dégueulasse et froid. En plus je venais de me rappeler que j’avais tout recraché dedans la première fois. J’étais tentée de faire la même chose mais tout le monde me fixait.

     

    J’étais obligée d’avaler. Beurk !

     

    - En fait… Je sais pas d’où il sort.

     

    C’était super pas crédible mais c’était la vérité. De toutes façons, je pouvais pas trop mentir.

    - Je l’ai trouvé sur mon lit, le jour de la filature. Et j’ai aucune idée de qui a pu le mettre là ou encore quel est le rapport avec notre affaire.

    - Pourquoi ne pas nous en avoir fait part ?

     

    Daniel répondit plus vite que moi.

    - Kaelle n’est pas du genre à demander de l’aide. C’est un défaut qui lui pose quelques problèmes.

    - Ah ben merci ! Protestai-je.

     

    Je remarquai que ma réaction avait fait sourire Elie. D’un coup, j’étais moins vexée par ce que Daniel avait dit.

     

    Ce dernier réfléchissait. Il avait peut-être une hypothèse.

    - Est-ce que Vendini savait que tu étais à Londres ?

     

    La mante religieuse écarquilla les yeux.

    - Vendini ? Antonio Vendini ?

    - Ben ouais.

     

    Ce mec m’énervait. C’était plus fort que moi.

     

    Je continuais.

    - Il était au courant, ouais. Mais je sais pas comment.

    - C’est peut être lui…

    - Genre j’y avais pas déjà pensé ! Nan, s’il savait un truc il me l’aurait dit quand on s’est vus, ou alors il aurait précisé dans le dossier. Enfin. Je sais pas en fait.

     

    Sherlinsecte se gratta la tête, pensif.

    - J’ai fait quelques recherches…

     

    Quoi ?! Déjà ?

    Quand est-ce qu’il avait fait ça ?

    Ce mec n’était pas humain.

     

    Evidemment. C’était une mante religieuse géante fan de Sherlock Holmes.

     

    - Et j’ai réussi à me procurer l’adresse actuelle des parents d’Eva Garner.

     

    Il fouilla dans son pantalon et nous tendit un bout de papier tout plié. Daniel le prit et je lus par-dessus son épaule.

     

    Le détective continua :

    - Je suis dans l’impossibilité de vous accompagner. Je tiens réellement à clore le dossier d’Emily. Mais par la suite, je pourrai vous prêter main forte. Elie vous transmettra mes tarifs.

     

    Je haussai un sourcil.

    - Tes tarifs ?

    - Exactement. J’exerce mon métier par passion, mais je dois tout de même me sustenter régulièrement et payer mon loyer.

    - Ah parce que tu payes un loyer ? Ton proprio doit être heureux de voir que tu tires sur son mur !

     

    Ouais, je faisais ma rabat joie. Moi non plus j’étais pas soigneuse, mais là j’avais juste envie de la pourrir. Juste comme ça.

     

    Il haussa les épaules.

    - Mon propriétaire ne s’en offusque pas. Je l’ai aidé à retrouver son ex-femme et à la mettre sous les barreaux.

     

     

    Daniel se leva. Il avait l’air soucieux.

    - Merci pour cette proposition. Nous te recontacterons très certainement.

     

    J’étais toujours assise. Du coin de l’œil, je guettais Elie. Elle semblait réfléchir à quelque chose. Elle se leva à son tour et me regarda droit dans les yeux.

    - Je peux venir avec vous ? Je ne suis pas spécialement douée, mais j’ai pu observer Guillaume. Et puis… Je n’ai pas envie de penser à tout ce qui aurait pu arriver à Emily. J’ai besoin de m’occuper l’esprit avec autre chose.

     

    Je sais pas pourquoi, ça me faisait plaisir.

     

    Elle n’avait pas mal pris les révélations sur mon identité et voulait même m’aider. C’était vraiment… Génial.

     

    Sans même demander la permission à Daniel, j’acceptai. C’était moi qui avais décidé de mener cette enquête après tout. C’était donc à moi de décréter qui venait avec nous ou non.

     

    Et puis Elie m’aidait aussi à me changer les idées.

     


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  • Comme le dit le titre de cet article, "Une histoire encore plus sombre sans lapins" est en pause pour une durée indéterminée.

    Pourquoi ?

    Eh bien je ne me vante pas de faire un truc digne du prix Goncourt, mais j'aime faire les choses bien, et il est évident que cette histoire est très très loin d'être au point. Je ne prend plus de plaisir à l'écrire, je me force et je la trouve remplie de longueurs extrêmement chiantes (ouais carrément). Ok, on ne peut pas avoir de l'action partout, mais le minimum serait qu'on avance dans l'histoire au moins toutes dix pages, et, à la place, je n'avais que des tranches de vie... J'ai la sale habitude de survoler très vite les tranches de vie et les descriptions dans les livres en général, alors vous comprenez pourquoi je ne prends plus de plaisir à faire avancer cette histoire (sauf quand je tombe sur des scènes comme celles des deux derniers chapitres).

    Comme je suis absolument incapable de l'améliorer plus qu'elle ne l'est en ce moment(parce que oui, ces tranches de vie, aussi chiantes soient-elles, étaient nécessaires, sinon je ne les aurais jamais mises), je la met donc en pause. Je vais me pencher plus tôt que prévu sur la première histoire "Une sombre histoire de lapins" qui, avouons le, est bourrée de trous scénaristiques. Mais plus tard. C'est un peu une période de remise en question en ce moment et si un scénario qui me semble aboutis ne l'est pas réellement, c'est qu'il faut que je fasse d'abord un travail sur moi même.

    Bref bref bref, j'arrête de m'apitoyer sur mon sort et je vous laisse avec un fanart de Little Snail (qui a enfin son blog !!!)

    (d'ailleurs je vous scannerais ses corrections d'"Une histoire encore plus sombre sans lapins" qui sont plutôt...... épiques, j'avoue)

     

    Les lapins c'est en pause

     

     


    2 commentaires
  • Vous vous demandiez ce qui terrifiait ainsi Kaelle dans le dernier chapitre ? Eh bien dans celui là, je rajoute une couche de mystère !! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, si vous aimez, si vous n'aimez pas, si vous vous en fichez totalement, bref, réagissez ^^

    Et bonne lecture !

     

    Lzn02 "Le temps détruit tout"

     

     

     

     

    Des lapins. Une vingtaine de lapins tachés de sang avaient envahi ma chambre. Le sang en question appartenait à un cadavre posé aux pieds du lit, comme pour m’empêcher d’en sortir.

     

    Je continuais de hurler. Comme si retrouver l’usage de ma voix allait me rendre celui de mes membres. En vain.

     

    Kyle Wolffe avait été égorgé, mais aussi éventré et ses tripes étaient éparpillées partout autour de lui. Les lapins pataugeaient dans le sang, n’hésitaient pas à grimper sur le cadavre et leurs pattes s’enfonçaient là où il n’y avait plus qu’un trou à la place des organes.

     

    Est-ce qu’ils l’avaient mangé ?

     

    Bien sûr qu’ils l’avaient mangé ! C’est des lapins !

     

    Je hurlai de nouveau lorsque l’un d’entre eux me frôla de nouveau, me blottissant contre la tête de lit et la serrant le plus fort possible entre mes doigts.

     

    Un bruit me fit sursauter, la porte s’ouvrit brusquement et un grand blond en boxer, une arme au poing, entra brusquement.

     

    Je restai tétanisée tandis que le blond examinait toute la pièce à la recherche d’une éventuelle menace.

    J’agrippais toujours la tête de lit en le regardant faire, mais j’avais cessé de crier.

     

    L’homme poussa quelques lapins du pied et se pencha vers moi. Il se tenait de l’autre côté du lit, à l’opposé de feu Kyle Wolffe et me tendit la main.

    -Kaelle, il faut sortir de là.

     

    Comment est-ce qu’il connaissait mon nom ? Pourquoi me paraissait-il aussi familier ?

     

    Je l’observai de haut en bas, notant les multiples cicatrices sur son torse, mais la peur que provoquaient les lapins ensanglantés était trop forte. Je n’arrivais plus à aligner deux pensées cohérentes.

    -L… Les… Les… Ma voix tremblait et je sentais les larmes monter.

     

    L’homme écarta les lapins qui nous séparaient et insista.

    -Kaelle !

     

    Oh putain ! Daniel !

     

    C’était Daniel pas coiffé et sans costume !

     

    Il s’impatienta et se pencha plus pour m’attraper et me tirer hors du lit. J’aurais voulu bouger par moi-même, ne pas vaciller, et ne pas rester tétanisée une fois debout, mais je n’arrivais plus à me contrôler.

    -Les lapins ! Laissais-je échapper d’une voix aigüe.

     

    Ils vont te manger !

     

    Me supportant d’une main, Daniel tenta de me raisonner.

    -Il faut sortir de là avant que le personnel n’arrive !

    -J’y arrive pas. Sanglotais-je. J’arrive pas à bouger !

     

    Il poussa un long soupir et je le sentis plus que je le vis passer sa main sous mes cuisses tout en renforçant sa prise dans mon dos pour me soulever. Je ne pouvais lâcher les lapins du regard, me crispant au moindre de leur mouvement dans ma direction.

     

    Daniel traversa la chambre en quelques enjambées et je remarquai enfin qu’Elie et la mante religieuse se tenaient à l’entrée, horrifiés eux aussi. Depuis combien de temps étaient-ils là ? Pourquoi n’étaient-ils pas venus m’aider ?

    -Récupérez ses affaires en évitant de laisser des traces. Ordonna Daniel.

     

    J’avais à peine quitté ma chambre que je me rappelai mon aversion pour le contact humain. Masculin tout particulièrement. 

     

    Une phobie après l’autre.

     

    Le contact de mon bras nu contre son torse me révulsa. Et je ne parle pas de sa main pressée sur ma cuisse !

    D’une voix neutre, je demandai à ce qu’il me pose par terre, mais Daniel ne répondit pas et continua de marcher jusqu’à sa chambre. Il ne cessait de regarder à droite et à gauche, soucieux.

    - Pose-moi. Insistais-je, sentant que je pouvais m’effondrer intérieurement d’un instant à l’autre.

     

    Toujours pas de réponse.

     

    Je me sentais de plus en plus mal et la bile commença à monter dans ma gorge.

     

    Lorsqu’enfin il arriva dans sa chambre encore ouverte et me relâcha, je sentis mes genoux céder et m’effondrai à terre. Mais il n’en avait plus rien à faire. Ou alors il avait senti qu’il ne fallait plus me toucher.

    Il enfila une chemise et un pantalon de costume. Ça me rassurait de le retrouver avec ce qui le caractérisait le plus. Et dire que je l’avais même pas reconnu tout à l’heure !

    Je repensai aux lapins, à Wolffe et fondis en larmes.

     

    On toqua à la porte et je m’écartai pour laisser Daniel ouvrir prudemment, dissimulant son flingue pointé vers les éventuels gêneurs. Il laissa entrer Elie et Sherlock avec mon sac avant de refermer la porte.

    -Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demanda finalement Elie, bouleversée.

     

    Elle se précipita sur moi et me serra contre elle pour me rassurer.

    -Aucune idée. Avoua Daniel en enfilant nerveusement ses chaussures. Je vais m’occuper de la scène de crime et des vidéos de sécurité. Habillez-vous et sortez le plus vite possible.

     

    Il sortit de ses affaires une petite bouteille et fourra quelque chose dans sa poche. Puis enfila une paire de gants noirs et une veste avant de ranger son arme dans sa poche intérieure.

     

    Lorsqu’il fut sorti, je restai encore quelques instants dans les bras d’Elie en sanglotant. Puis, quand les larmes ne furent plus que reniflements et tressautements des épaules, je m’éloignai légèrement et constatai son haut, trempé.

    -Désolée. Soufflais-je.

    -C’est pas grave.

     

    Sa voix était douce. Elle voulait pas me brusquer.

    En la voyant comme ça, pleine de compassion, j’eus de nouveau envie d’enfouir mon visage contre elle et de la laisser me serrer pour me rassurer. Mais on n’avait pas le temps.

    Quand Daniel parlait de s’occuper de la scène de crime, je savais qu’il brûlerait toutes les preuves qui nous impliqueraient.

     

    L’insecte géant posa sa main sur l’épaule d’Elie.

    -Il faut s’habiller et récupérer nos affaires.

     

    Elle se releva à contrecœur et me promit de revenir vite. Je secouai la tête et leur donnai rendez-vous plutôt à la cabine téléphonique près de l’hôtel.

    Les pompiers n’allaient pas tarder, si les policiers ne les devançaient pas, et il fallait éviter de se rassembler juste devant le lieu du crime avec nos valises et nos têtes de traumatisés.

    Une fois qu’ils furent partis, j’enfilai un tee-shirt, un short et une paire de tennis. L’alarme incendie retentit alors que je fermai ma valise pour sortir.

    J’avais retrouvé mon calme et mon sang froid dans les bras d’Elie. Je pouvais gérer cette situation maintenant.

     

    Daniel entra au même moment. Je le regardai fermer son sac de voyage et se diriger vers la sortie en m’entrainant avec lui. Il était bien plus calme que moi. Sûr de lui et professionnel. Il devait avoir récupéré les vidéos de surveillance, éteint les caméras et même brûlé les registres où nous apparaissions. Je n’avais aucun souci à me faire sur ce point. Daniel était doué.

     

    En rejoignant Elie et la mante religieuse, je me rappelai de son irruption pour me sortir de cette chambre terrifiante et hésitai. Hum. Non. C’était pas le moment pour les remerciements.

     

    Les sirènes de pompier se rapprochaient pendant que nous nous éloignions pour prendre un taxi. Daniel chercha quelques instants sur son téléphone avant de donner notre destination et, une demi-heure plus tard, la voiture s’arrêta devant un petit motel.

    Alors que nous traversions le petit hall mal éclairé, il donna quelques précisions pour la suite des évènements :

    -Je nous réserve un vol pour demain.

    -Je pense qu’il nous faudrait quelques explications en premier lieu…

     

    Je foudroyai la mante religieuse du regard. Daniel répondit calmement :

    -On mettra tout à plat, une fois reposés.

     

    Très bonne idée. Je n’avais aucune envie d’expliquer quoi que ce soit ce soir. Je n’arriverais sans doute pas à dormir, mais j’aurais du temps pour digérer ce qu’il s’était passé.

    Daniel réserva quatre chambres, me jeta un rapide coup d’œil, fronça les sourcils, hésitant, et finalement redevint lui-même. Froid et calme.

     

    Qu’est ce qui lui était passé par la tête ?

     

    Dans les couloirs vides, je commençai à me déconnecter doucement de la réalité.

    Qui avait tué Wolffe ? Pourquoi me l’avoir mis dans ma chambre ? Pour m’accuser ?

    Pourquoi les lapins ?

     

    Pour qu’ils te mangent ! Me susurra la voix de Lucy.

    Je frissonnai et ravalai ma salive.

    On voulait me faire peur.

    Quelqu’un savait exactement pour Lucy et ses lapins. Il ou elle savait aussi que j’en avais peur.

    Qui ?

    Je m’étais efforcée de cacher cette phobie, même à Daniel, pare que, avouez que c’était la honte de hurler comme une fillette devant un lapin !

     

    -Hélène ?

     

    Et si cette personne était aussi au courant pour ce que j’avais fait chez Wolffe ? Peut-être que ça avait un rapport ? J’avais souhaité la mort de cette enflure… Peut-être qu’un déséquilibré…

     

    -Hélène !

     

    Et bon sang, comment est-ce qu’on avait pu me retrouver à Londres ?! Comment on avait déplacé un cadavre et autant de bestioles dans un hôtel aussi chic ? Peut-être que Daniel n’aurait pas dû supprimer la vidéo de sécurité. Il aurait pu l’embarquer pour qu’on regarde qui était passé, et comment ! Ouais… Dans l’urgence, Daniel avait merdé. Daniel que je ne verrais plus de la même façon, maintenant que je savais qu’il ne dormait pas avec son costard. Je me demandais comment il s’était fait toutes ces cicatrices… Peut-être des « souvenirs » d’anciennes missions…

     

    -Kaelle ?

     

    Je me retournai, surprise, et compris presque immédiatement que je m’étais grillée toute seule. Comment la grosse mante religieuse connaissait mon nom ?

     

    Comme s’il avait lu dans mes pensées, il s’expliqua :

    -C’est comme cela que Daniel t’as appelée tout à l’heure.

    -Tout à l’heure ?

     

    Putain c’était vraiment la soirée conneries !

     

    -Dans ta chambre.

     

    Il semblait gêné. Comme si me rappeler la scène était une très mauvaise idée. Ce qui était le cas, hein. Mais je ne le pensais pas capable de compassion, ou d’une connerie dans ce genre.

    Peut-être qu’il était un peu secoué… Après tout, un détective ne devait pas être habitué à voir des cadavres…

     

    Daniel s’était figé, derrière nous. Il soupira en se pinçant l’arête du nez entre le pouce et l’index. Visiblement, il ne savait pas que les deux autres étaient déjà dans la chambre quand il m’avait appelée par mon véritable nom.

    -Kaelle bénéficie d’une sorte de… Programme de protection. Articula-t-il.

     

    Ouais, c’était ça, à quelques détails près. Même si les autres n’avaient pas l’air super convaincus.

     

    -Je suis crevée et j’ai pas envie de parler de ça. Grognais-je en trainant mes affaires jusqu’au numéro de porte indiqué sur ma clef.

    -Nous vous expliquerons tout demain.

     

    Ca faisait beaucoup de choses à expliquer. Beaucoup de choses à avouer. J’avais pas envie d’être à demain.

    En fait, si je pouvais filer en douce…

     

    Une fois dans ma chambre, je contemplai le petit lit. Une chose était sûre, c’était pas l’hôtel quatre étoiles qu’on venait de brûler !

    De toute façon j’avais aucune envie de dormir. Rien que le fait de savoir qu’un mec pouvait entrer dans ma chambre avec un cadavre et trois tonnes de lapins sans que je m’en rende compte me foutait les jetons.

     

    On toqua à ma porte. Putain, il y avait aucun moyen d’être tranquille ?!

     

    Daniel semblait soucieux. Encore une fois. C’était bizarre de le voir afficher une émotion aussi longtemps.

    Il regarda de droite à gauche et me tendit un flingue.

    -On ne sait jamais.

     

    Eh ben ! Il aura fallu un cadavre pour que j’aie enfin une arme ! (officiellement)

    -Comment ça se fait que tu te trimballes toujours avec ? Ton boulot n’était pas un truc clean et tout ça ?

     

    Ouais parce que bon, il avait l’air tout propre sur lui, mais il avait toujours ses flingues et de quoi faire brûler des preuves dans son sac !

     

    Il haussa les épaules.

    -Une vieille habitude.

     

    Je considérai l’arme entre mes doigts. C’était rassurant.

    Finalement, je cédai un :

    -Merci.

     

    Et continuai dans ma lancée.

    -Merci pour ça et… Pour tout à l’heure aussi.

    -C’est normal.

    -Oh c’est bon, pour une fois que je te remercie, hein ! Râlais-je, pour me redonner un peu de contenance.

     

    Daniel ne réagit pas. Il tourna les talons en me souhaitant une bonne nuit.

    -Ah… Attend !

     

    Je le rejoignis en une enjambée dans le couloir et demandai, tout bas.

    -On va vraiment tout dire aux autres ?

     

    Pas de réponse. Ce qui voulait dire « oui ».

    -On pourrait pas juste se barrer, disparaitre quoi ?

    -Guillaume est détective. Me rappela-t-il. Ne t’inquiète pas. Il n’y aura aucun problème…

     

    Je savais ce que sous entendait cette phrase. Et, pour une fois, ça me gênait.

    -J’ai pas spécialement envie de liquider Elie si elle le prend mal. Avouais-je.

     

    Daniel secoua légèrement la tête.

    -Ne t’inquiète pas et repose toi.

    Il me contourna et s’éloigna dans le couloir pendant que je restai au milieu, comme une conne, un flingue à la main.

     

    Finalement je rentrai dans ma chambre et m’affalai toute habillée sur le lit. Je ne dormirais pas.

    Me recroquevillant sur moi-même, je serai mon arme comme un doudou et laissai l’adrénaline retomber.

     

    Cette mise en scène avait été faite spécialement pour moi, ce qui signifiait que là, quelque part, dehors, un malade voulait me faire peur. Et ça marchait. J’étais terrifiée.

     


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